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Durabilité de la forêt méditerranéenne face au changement climatique, par Joan Botey

La Forêt Méditerranéenne et toute sa diversité (paysage, eau, modération des températures, écosystème, biodiversité, loisir, érosion,…), doit affronter un contexte de changement climatique général, en même temps que des problématiques à prendre en compte, comme une extraction excessive de l’eau retenue à la forêt,  une planification des pare-feu qui sont, à mon avis, sans relation avec la vitalité (entourant la forêt de forts focus de déshydratation) et l’attractivité paysagère.

L’eau étant le facteur limitant de la croissance, l’absence de gestion porte à une compétition sauvage pour l’eau, entre essences et strates forestières (1), qui aboutit, après dessèchement, directement au déclenchement du cycle naturel, avec l’incendie comme élément de rénovation. La durabilité de la forêt Méditerranéenne passe par une gestion obligatoire, fondamentalement tournée vers l’eau

Le Changement Climatique, provoque entre autres, l’augmentation des températures, la perte de régularité des pluies, une distribution plus chaotique de l’eau pendant l’année mais aussi, l’augmentation de l’eau atmosphérique liée à la température.

Donc, d’un point de vue gestion forestière il faut agir en augmentant la capacité de captation de l’eau atmosphérique et une rétention totale (pluie + condensation), améliorant ainsi le niveau phréatique (2), pour éviter le plus possible les pertes en eau (sol nu, évapotranspiration, et érosion quand il y a des pentes). Une captation optimale / consommation par la croissance doit être obtenue pour chaque station forestière, liés au nombre de pieds et à l’ombre. La construction de terrasses peut être envisagée à cette fin (3), permettant une meilleure rétention, tout en jouant un rôle de frein à la propagation d’incendies. Il faut également repenser le nombre des pieds, l’ombre au sol et tous les mécanismes de captation d’eau atmosphérique mais aussi de pertes.

Pour maintenir la gestion forestière durable au long des cycles forestiers il faut rentabiliser les productions et valorisations de la forêt. Cet effort, cette vision, ces défis, devraient donner du travail et provoquer l’intérêt des jeunes et assurer la gestion transgénérationnelle nécessaire. On devrait aussi envisager et développer la transformation des produits sur place (ou à minima en circuit court), allant dans le sens de la diversification des productions. (4)

Forêt mixte (pour une meilleure vitalité et ombre), gestion irrégulière (pour éviter de laisser le sol nu et les excès de lumières) et accessibilité à la gestion (routes, chemins forestiers et terrasses, pour la mécanisation des travaux), sont les principaux piliers pour la conservation et production des forêts méditerranéennes. L’accumulation d’eau doit être en faveur et au bénéfice de la forêt.

L’option pour revitaliser la forêt passe par la réhydratation, et la conservation de l’eau, comme la création de petits barrages, des retenues collinaires et de terrasses. La prévention des incendies doit se faire, à mon avis, en créant des mosaïques avec cultures, pâtures et une variabilité de forêt, l’utilisation de terrasses à contrepentes de direction du vent dominant (5), minoration de la végétation combustible sans laisser le sol nu dans des zones pare-feu, et la construction des routes stratégiques pour les camions et les moyens de luttes contre le feu.

  1. Finca-Fitor, avec le CPF et l’IRTA, a fait un essai de 2000 à 2007 en enregistrant en continu la mesure diamétral des chênes liège, avec LVDT liés directement à un ordinateur dans la forêt, dans une expérience de 4 traitements : témoin, débroussaillage total + pieds éclaircis sur un ratio de 300 arbres par hectare, débroussaillage total sans éclaircir les pieds, Éclaircie sans débroussaillage. Le résultat a été spectaculaire, la croissance  diamétrale augmentait de 300% en 2 semaines quand on débroussaille. D’autre part, on a constaté une production arbustive de 6 Tm/ha/année en biomasse.
  2. Un nouvel essai au domaine, en cours de 2022 jusqu’à 2027, grâce au projet LIFE19 ENV/ES/00054, a visé à connaitre la condensation de l’humidité atmosphérique due à notre biotope originel (Erica arborea/Arbutus unedo) en trois situations : témoin sans gestion, débroussaillage total, et débroussaillage partiel spécifique. Tout cela dans un champ expérimental qui mesure température et humidité relative à deux niveaux du sol (4 m et 0,5 m) et l’eau qui arrive à pénétrer de 10cm dans le sol. On commence maintenant à voir l’efficacité pour la captation d’eau atmosphérique du débroussaillage spécifique et ainsi l’effet bénéfique pour l’aire subéricole avec une corrélation bruyère (sur la captation de l’humidité atmosphérique), et arbousier (permettant à l’eau capté par la bruyère de mieux ruisseler jusqu’au sol grâce à ses feuilles).
  3. Le domaine a construit des terrasses entre 1974 et 1984 avec un premier objectif stratégique de rendre difficile la propagation des incendies en contrepente par rapport aux vents dominants (cela a permis de mettre un frein à deux vastes fronts d’incendie en 1983 et 1985, sans la présence de sapeurs-pompiers), un deuxième objectif a été d’améliorer la fertilité et la rétention d’eau, et un troisième de planter de l’eucalyptus pour rentabiliser la construction des terrasses. La rétention d’eau a été spectaculaire dès les années 80. Les bonnes conditions ont permis le développement de chêne-liège de semence et de rejet, et désormais, après 45 ans, nous assistons à une forêt mixte, avec le démasclage du chêne-liège. Une forêt qui, avec le débroussaillage systématique des terrasses alternées, devient complètement accessible, permettant la mécanisation de la production, et devenant riche en eau. Une forêt que nous pensions préparer pour le 21ème siècle et qui est devenu rapidement rentable. 
  4. Maintenant, nous transformons le bois en piquets, en planches, et pièces construites à même la forêt (mise en place de scierie mobile). Au lieu de bois à la tonne, on vend à la pièce, sans transport additionnel, directement au client. Ça peut changer radicalement l’économie, mais aussi l’échelle.
  5. La prévention d’incendie dans notre pays, gérée par des Administrations, ne tient pas en compte ce système de créer un tourbillon qui la sépare du bois vers le ciel. La même flamme, en descendant sur les terrasses, crée un tourbillon proportionnel à la vitesse du vent, qui monte vers le ciel, avec un moindre impact vis-à-vis de la végétation.

Fitor, 28 de Mars de 2025

Joan Botey Serra 

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