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L’école Escoulen et l’arbousier !

Le tournage de bois d'arbousier

L’école Escoulen nous a fait parvenir cette série de photos sur le bois d’arbousier, les essais ont été menés dans le cadre de notre étude sur la valorisation de l’arbousier avec le PNR de la Sainte-Baume.

L’École Escoulen a pour vocation de promouvoir le tournage sur bois contemporain, aussi bien auprès d’un public d’amateurs que de professionnels grâce à des formations courtes et longues, selon le choix, tout au long de l’année.

D’un point de vue historique, l’École Escoulen a été créée en 2012 sur une volonté de la municipalité d’Aiguines de promouvoir le savoir-faire unique des tourneurs sur bois, savoir qui s’inscrit profondément dans le patrimoine culturel du territoire (ancienne capitale du tournage, d’ailleurs le musée du tournage est un incontournable). Comme son nom l’indique, au-delà de l’aide la municipalité, l’école a été créée par Jean-François Escoulen, tourneur de renom, Meilleur Ouvrier de France.

 

RETOUR D’EXPÉRIENCE


Contexte


Dans le cadre des actions de valorisation des essences locales, l’École Escoulen s’est engagée aux côtés de l’association Forêt Modèle de Provence pour mener des expérimentations sur l’utilisation de bois (troncs, branches, souches) à utiliser en tournage sur bois.

Certaines essences sont déjà connues pour leurs qualités, la finesse de leur grain, leurs propriétés (odeur, déformation, veinage, etc.), d’autres sont à découvrir.

L’arbousier fait partie de ces essences qui se trouvent assez rarement au contact d’un tour à bois mais qui ont déjà donné des réalisations spectaculaires (voir les œuvres d’Alain Mailland).

Ainsi, dans le cadre de l’expérimentation pilotée par le Parc Naturel Régional de la Sainte Baume avec Forêt Modèle de Provence, des travaux d’aménagement routier sur la propriété départementale classée espace naturel sensible (ENS) Forêt St Julien, située sur la commune de La Celle, ont créés l’opportunité de récupérer quelques troncs et souches d’arbousiers.


Approvisionnement


Un premier rendezvous terrain a permis de choisir certains arbres, de diamètre remarquable pour l’espèce, et d’établir les consignes pour leur débit et récupération.

Le transport était à la charge de l’école, avec les moyens limités dont nous disposions (2 fourgons, une remorque).

Jour J (20 octobre 2021), je me suis rendu sur place pour la récupération des sections.
Malheureusement, malgré les consignes, les bûcherons avaient débité des sections courtes, ce qui était un écueil sur la conservation future, les extrémités étant sensibles aux fentes.

Un autre aspect de ce débit « standard » était la présence quasiimmédiate sur le site de personnes s’arrêtant sur le bascôté et commençant à charger leur véhicule avec les bûches ainsi débitées.

Sur deux sujets, les troncs étaient déjà abîmés : cœur échauffé ou pourri, avec présence d’insectes xylophages.

Un deuxième voyage le 9 novembre 2021 a permis de récupérer les souches de ces mêmes arbres qui avaient été extraites et mises de côté. Merci au conducteur qui a effectué un travail remarquable de
transport et dépose avec le godet de sa pelle mécanique. Si l’opération était amenée à se répéter, il faudrait prévoir des sangles qui auraient permis un déplacement plus facile des racines et une dépose plus en douceur.


Conservation


Le bois de l‘arbousier fend très vite.

Une solution radicale qui fonctionne bien est de conserver des pré débit dans l’eau en renouvelant l’eau régulièrement. Le stockage dans une rivière serait l’idéal !

La meilleure façon de conserver le bois frais est définitivement sur pied. Le prélèvement de petites quantités à la fois s’impose donc.

Dans notre cas, le bois prélevé a été stocké sous sa forme brute, à l’extérieur (un endroit exposé au nord et protégé du vent) sous une bâche et enfoui dans une épaisse couche de copeaux. Grâce à cette technique, il s’est bien tenu tout l’hiver sans trop de pertes. Néanmoins, Le bois en surface à découvert a fendu très rapidement.

Notre objectif était de mettre en œuvre le bois vert, et non pas de réaliser des plateaux à faire sécher avant mise en œuvre.


Mise en œuvre


Divers projets ont amené à l’utilisation d’ébauches en arbousier.

Pour les morceaux de tronc et branche, des creusages de petits bols, soucoupes, la réalisation de vases à petite encolure.

Pour les souches, la réalisation de pièces plus imposantes par sculpture tournée de type Coraux. Il s’agissait là de tirer parti de l’enchevêtrement de fibres afin de disposer de sections tournées dans différentes directions sans risquer une faiblesse (ce qui arrive quand les fibres sont parallèles et
perpendiculaires au sens du travail).

Le bois se travaille exclusivement frais. Plusieurs précautions s’imposent : débiter hors cœur, tourner des parois fines (inférieures à 5mm) et régulières. Les objets sortis du tour sont parfaitement ronds mais ne le restent pas longtemps. Le bois libère ses tensions en séchant et les déformations qui accompagnent le phénomène sont spectaculaires. Après 4 ou 5 jours de séchage lent à l’abri de la chaleur et des courants d’air, le bois a trouvé sa forme d’équilibre.

Le bois s’est avéré agréable à travailler, dense mais cohérent, ne provoquant pas une perte trop rapide d’affûtage, avec une maille serrée et des cernes non différenciées.

Il n’y a pas de différence notable entre bois de cœur et aubier, et la couleur comme la finesse des dessins du veinage est juste magnifique. Pour ne rien gâcher, l’odeur produite durant l’usinage de ce bois est fruitée et délicate.

Les outils tranchent proprement la fibre, l’état de surface est très satisfaisant, il y a peu d’arrachement, même en léger contrefil.

Nous n’avons noté aucune réaction allergique, ni cutanées, ni respiratoires.

Plus le bois présente des singularités, plus les déformations seront accentuées. Nous avons ainsi pu observer que les parties de bois torses révélaient leur forme d’hélice au séchage. De même le fil ondé présent parfois sur la partie du tronc situé sous une branche maitresse ou les motifs de loupe, les petits nœuds, toute partie au fil tourmenté se traduit par des textures singulières une fois le bois sec.

Ces singularités du bois (onde, loupe, racine, bois torse) sont donc très intéressantes pour les tourneurs !
L’arbousier présente une écorce fine en lambeaux très caractéristique. Elle reste bien attachée au bois lors de l’usinage. Le tournage de bols à bord d’écorce en est facilité. Ce type d’objet présente l’arbre en totalité (écorce, cambium, aubier très fin, bois de cœur)


Résultats observés


Couleur magnifique, bois assez nerveux, mais homogène, pas de différence nette entre aubier et bois de cœur.

Les rayons médullaires sont groupés en amas et présentent un motif plus foncé (rose pourpre).
Particulièrement visibles sur le plan radial, ils se détachent de la couleur saumon du bois et participent à la finesse du grain.

Avec son grain serré, le tournage de l’arbousier permet d’aller vers la finesse voire l’extrême finesse.
C’est un bois très adapté pour la réalisation d’abatjour. Il est possible d’obtenir une paroi proche du mm. Tourné en feuille de bois, translucide, l’essence révèle alors toute son élégance.


Prochaines étapes


Nous serions intéressés pour mettre à disposition de nos stagiaires d’autres morceaux.

Dautres techniques de conservation de bois frais seraient à étudier également.

Un grand remerciement à tous les acteurs qui ont rendu possible cette première expérimentation.

Nous conservons quelques pièces réalisées par nos stagiaires qui peuvent être mises à disposition pour une exposition.

 

Daniel Kaag
Directeur

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