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[2017] La filière potentielle du pignon de pin en Provence

 

La gestion sylvicole : principes généraux

Les rendements de pignons reposent en grande partie sur le type de sylviculture mené sur la pinède considérée. C’est pourquoi un propriétaire désirant exploiter ses pins pour en récolter les graines devra mettre en place un itinéraire sylvicole précis.
Les productions fruitières les plus fortes sont obtenues dans des boisements sur bonnes stations, à faible densité et aux arbres à diamètre important. Ces derniers nécessitent globalement très peu d’intervention en dehors du contrôle de la densité, par la réalisation d’éclaircies successives suffisamment fortes avant l’âge de fructification.
L’objectif de densité pour la production de pignon est entre 90 et 200 pieds/ha. Ce traitement exige d’être arrivé à une densité adéquate à 25 ans, au début de la fructification. Les éclaircies débutent à 8 ou 10 ans, et sont répétées tous les 4 ou 5 ans selon la densité initiale.

1. La régénération naturelle

Si le schéma traditionnel de sylviculture à objectif de production de graines préconise une coupe rase puis une plantation, il est possible de tirer profit de peuplements naturels sous certaines conditions optimales d’écologie, de densité d’arbres, et également d’un sous-bois protecteur les premières années de croissance.
Attention : Le fort prélèvement de cônes pour la production des pignons de pins comestibles est un frein au renouvellement, qui peut être levé en laissant une certaine quantité de pignes dans les arbres (20% préconisés).
→ Le dépressage : Si la régénération naturelle est très dense, un dépressage est alors conseillé, avant les 5 ans idéalement.

2. Les éclaircies

Pour produire une quantité maximale de graines, l’objectif principal de l’itinéraire sylvicole est donc la réduction de la densité avant d’atteindre la maturité sexuelle (âge de fructification), qui selon les peuplements se produit entre 15 et 25 ans. Lors de ces éclaircies, il est conseillé de sélectionner et garder les arbres les plus productifs (visuellement).

 

3. L’élagage

Afin de faciliter la récolte de pignons, il est recommandé de procéder à un élagage. Il permet un accès facilité au houppier pour les cueilleurs et les machines, augmentant le rendement de l’étape de récolte.
Il est recommandé d’effectuer cet élagage peu avant la première floraison, lors de la dernière éclaircie pour arriver à densité finale sur les arbres sélectionnés comme futurs producteurs. Les arbres atteignent alors environ 5m, et l’élagage ne doit pas dépasser la moitié de la hauteur pour laisser suffisamment de feuilles à la réalisation de la photosynthèse.

La gestion sylvicole : itinéraires techniques

Les principes généraux de gestion sylvicole du pin pignon sont à adapter aux peuplements présents en Provence. Voici donc des exemples de scénarios sylvicoles permettant d’envisager une mise en production effective en pignes de Pinus pinea L..

1. Installation d’un peuplement

Pour la production de graines, une plantation sur un terrain nu ou à reconvertir semble être la meilleure solution. Il est fortement conseillé d’effectuer une préparation du sol au préalable, à savoir un dessouchage, si cela suit une coupe rase, et un griffage superficiel. La plantation est plus coûteuse que le semis, mais donne en revanche des résultats bien plus fiables. Le greffage permet d’accélérer la mise en production des peuplements. La fructification peut alors avoir lieu 5-6 ans après l’installation du greffon.

2. Les peuplements de moins de 25 ans

→ OBJECTIF : mise en lumière
Si la majorité des arbres a moins de 25 ans, il est encore temps d’intervenir pour relancer la production. A ce stade préfloraison, le houppier réagit bien à une mise en lumière.

3. Les peuplements de plus de 25 ans

→ OBJECTIF : régénération
Après cet âge, c’est la période de fructification. Si le peuplement considéré est productif en l’état, en plus de réaliser les récoltes chaque année, l’itinéraire sylvicole consiste uniquement à entretenir les parcelles par du débroussaillage (ou pâturage). Si en revanche le peuplement est improductif, la réaction du houppier à une seule éclaircie ne sera plus suffisante pour en justifier le coût. L’objectif sera donc la régénération pour obtenir des nouveaux sujets que l’on disposera dans les conditions idéales de production de pignes.

La récolte

Après la gestion sylvicole, et avant la commercialisation du produit fini, l’exploitation du pignon de pin passe par plusieurs étapes dont la toute première est la récolte des pignes.

La récolte est la première étape essentielle qui est coûteuse en temps, en argent, et nécessite une organisation à l’échelle d’un territoire donné.
Le ramassage de pignons par les particuliers se fait traditionnellement au courant de l’été, quand les pignes tombent des arbres. S’il est beaucoup plus simple d’y accéder une fois celles-ci au sol, cette méthode n’est pas reproductible dans une optique de rentabilité de production. En effet, les pignes tombées sont souvent déjà ouvertes sous l’effet du soleil, mangées par les insectes, sangliers et autres consommateurs de graines. Une partie conséquente des pignons qu’elles contiennent est alors perdue. La récolte des pignons – il s’agit cette fois de récolte et non de ramassage – s’effectue à la quatrième année de maturation (voir schémas ci-dessous) quand les cônes sont encore verts, fermés et dans l’arbre, à savoir entre mi-novembre et mai. Afin d’éviter les éventuels vols de pignes, il convient de la réaliser le plus tôt possible. A cette fin, le propriétaire peut également programmer le débroussaillement juste avant le passage en récolte.

Stades de maturation du cône: A) 1an B) 2ans C) 3ans :

 

1. La méthode manuelle

La récolte manuelle des cônes de pin pignon est périlleuse et éprouvante. Elle s’effectue par équipes d’au minimum 2 ou 3 personnes. Un grimpeur rentre dans le houppier de l’arbre, fait tomber les cônes au sol avec une canne munie d’un crochet métallique à son extrémité. La ou les autres personnes restent au sol, lui indiquent les cônes oubliés et ramassent ceux qui sont tombés. Notons qu’il est considéré par certains que la récolte manuelle n’est rentable que là où la quantité de pignes dépasse 150 kg/ha. Cette estimation est très relative car elle dépend de : la productivité du nombre de cônes par arbres, du nombre de graines par cônes, de la facilité d’accès au houppier, de l’aisance d’exécution du grimpeur etc…

2. La méthode mécanisée

Elle consiste à utiliser une machine secoueuse d’arbre, du même type que pour les oliviers et les noyers. L’ajustement au tronc et la durée de vibration doivent être rigoureusement contrôlés pour éviter que tombe plusieurs années de récolte. Son usage est limité aux zones planes, accessibles et peu denses. C’est la méthode avec le meilleur rendement. Cependant, le manque de spécialisation des entreprises et de formation peut avoir des conséquences négatives sur l’arbre, qui se trouve blessé, et qui affectent la production si des pignes non mûres tombent ou que des rameaux cassent.
Plusieurs facteurs conditionnent l’usage d’une telle machine : la densité et la quantité de pignes du peuplement, la formation du personnel, le coût (environ 150 000€ neuf et 20/35 000€ d’occasion), les zones à réglementation spécifique pour la pénétration d’engins, l’accessibilité des parcelles (embroussaillement, relief, morcellement foncier).

La transformation

Une fois les pignes récoltées, l’exploitation du pignon de pin passe par plusieurs étapes préalables à la commercialisation du produit fini, pouvant chacune recourir à différentes techniques.

1ère étape : de la pigne au « pignon noir »

4. L’ouverture des pignes


La méthode naturelle par séchage intervient pendant la saison estivale (juin-juillet-août) après un stockage hivernal et printanier des pignes dans un endroit abrité et protégé. Les pignes sont disposées sur une dalle lisse de séchage et vont s’ouvrir sous l’action de soleil et de la chaleur. C’est la méthode la plus simple, la moins couteuse, et qui donne les meilleurs résultats en termes de qualité. Cependant, c’est aussi la plus risquée, car s’il pleut, il y a un risque de germination. Le dimensionnement d’une dalle est d’environ 80 – 100 m² pour sécher entre 800 et 1600 kg de pignes. Les investissements initiaux importants sont limités à la dalle et aux outils de manutention de cônes.
La méthode artificielle varie selon les transformateurs, et consiste à réchauffer les pignes soit à l’eau bouillante, soit dans un four, pour provoquer leur ouverture prématurée. Le principal avantage de cette méthode est de permettre de transformer le pignon toute l’année, notamment avant les périodes de fêtes de Noël où les prix augmentent. Sachant que les pignes se conservent en général moins bien que les pignons extraits.


5. L’extraction du pignon de son cône

Crédits : www. casatabares .com


Les chaines de transformation industrielles utilisent des moulins broyeur/égraineurs/cribleurs de pignes (voir photo ci-dessous). Ceux-ci broient une partie de la pigne, tout en préservant les pignons (dits « noirs » ou « coques » ce stade) qui sont séparés du reste du cône. Il faudrait dans l’idéal 3 personnes pour faire tourner la machine : 2 qui l’alimentent, et 1 qui la contrôle. La récupération des pignons dépend du procédé d’ouverture utilisé : si l’ouverture se fait par séchage au soleil de manière traditionnelle, la majeure partie des pignons sera tombée dans les zones de séchage, puis dans les tamis de récupération à l’entrée de l’égraineuse. Si l’ouverture est réalisée à l’eau bouillante, la résine sécrétée plus abondamment colle les pignons et les empêche de sortir de la pigne aussi facilement. Ils passent alors en plus grande quantité dans les moulins égraineurs.

Crédits : www. casatabares .com


Enfin, les pignons récoltés sont passés dans un séparateur à air comprimé « rotatif pneumatique », qui va les propulser plus ou moins loin selon leur poids, afin de séparer les pignons des résidus restants (écailles, tête de cône, ailettes, pignons vides, rachis, poudre noire et tégument qui entourent le pignon).
L’investissement dans un broyeur/cribleur neuf accompagné du séparateur, permettant de traiter 100 tonnes de pignes par jour, reviendrait à 50 000 € (entreprise Casa Tabarés). La version permettant d’ouvrir les pignes de manière artificielle avec de l’eau bouillante coûte environ 95 000 €. Cependant, il existe sur internet des alternatives moins onéreuses, dont les retours sur expérience manquent malheureusement pour en attester la fiabilité.

2ème étape : du « pignon noir » au « pignon blanc »

 

Ce processus consiste à extraire l’amande du pignon noir, et passe par plusieurs étapes relativement complexes qui peuvent mobiliser plusieurs personnes, en fonction des machines :
– humidification du pignon pour : faciliter l’ouverture de sa coquille, limiter la libération de trop de poudre dans la machine, améliorer l’élasticité du pignon dans sa coque pour ne pas l’abimer lors de la fracture de celle-ci
– nouveau tri pour séparer les restes de coquille et de pigne, et trier les pignons par taille
– lavage pneumatique
– décortication : 2 cylindres mobiles à espacement variable vont casser la coque. Le rendement peut varier de 500 à 2000 kg/ jour. On obtient alors le pignon blanc.
– Un système de renvoi des pignons non séparés de leur coque dans la machine est mis en place, avec une nouvelle sélection dans des cribleurs
– L’étape finale est un nouveau lavage pneumatique puis une régulation de l’humidité pour atteindre les 3 à 4 % sur la matière sèche
Le produit obtenu contient encore 20 % de saletés (résidus de coque, ailettes des pignons…), il passera ensuite dans un processus de nettoyage comprenant lui aussi différentes étapes non détaillées ici, puis au conditionnement, avant d’être envoyé dans les circuits de distribution. Le coût d’investissement dans ces machines dépend du dimensionnement désiré. Il faut compter 135 000 € pour transformer 30 kg de pignon blanc/heure.

La commercialisation

Il n’existe pour l’instant pas de filière structurée du pignon de pin en France. Cependant, il est possible d’imaginer plusieurs scénarios de commercialisation. Les différences entre eux se situent au niveau de la marge escomptée, du risque et des investissements requis.

Scénarios commerciaux

Une fois les pignes mûres, il est possible de les valoriser par une vente sur pied (cônes dans l’arbre), une vente des pignes après récolte, une vente des pignons après 1ère transformation en pignon noir (dits aussi « pignon coque ») ou 2ème transformation en pignon blanc (cette dernière option n’a malheureusement pas pu être étudiée ici).
Les chiffres avancés dans le tableau qui suit sont des ordres de grandeur et sujets à forte variabilité contextuelle. Par conséquent, il est difficile d’en tirer des conclusions catégoriques. Il est tout de même important de préciser que les plus gros déterminants de la rentabilité sont les coûts de récolte et les coûts de sous-traitance, non les frais de transport.

Crédits : www. lesfruitsetlegumesfrais .com

 

 

PIGNES DANS L’ARBRE
(vente sur pied)

PIGNES RECOLTEESPIGNONS NOIRS (+ BIOMASSE DES PIGNES)
AVANTAGES– Pas d’avances de frais pour la récolte – Déchargement pour le propriétaire de la responsabilité juridique – Evitement du vol – SimplicitéPrix de vente compétitifs donc attractifs pour les acheteurs dans le cas d’une internalisation de la récolte– Connaissance des rendements – Traçabilité de la filière – Transport plus facile – Prix de vente plus compétitif
INCONVENIANTS– Faible valeur ajoutée – Difficulté pour trouver une entreprise récoltante intéressée pour se déplacer– Coût élevé des frais de récolte (étape la plus onéreuse) – Cas de sous-traitance : trouver un prestataire de service fiable – Stockage à gérer– Idem qu’à gauche – Investissements initiaux, ou frais de sous-traitance, pour l’extraction des pignons noirs de leurs pignes
ANALYSE ECO- NOMIQUE (rentabilité au stade du gestionnaire)– Coûts de production = 0€ – Chiffre d’affaire (CA) = Quantité de pignes x Prix de l’unité de pigne (entre 0,5 et 0,7 € /kg) qui dépend de : la disponibilité et l’accessibilité à la ressource, du cours du marché, de la négociation (selon le mode de contrat de vente (par estimation pré-récolte / par pesée post-récolte)) → stratégie la moins risquée– Prix de vente à l’usine1 : entre 0,65€ et 1,15€/kg – Coût de transport : 0.1€/kg maximum (montant indicatif2) – Une récolte manuelle (coût : entre 0,88 et 1,75 €/kg ou payé à la journée) ne serait rentabilisée qu’à la condition de rendements minimum de 300kg / jour ou > 150 kg/ ha – Hors frais d’investissement (environ 150 000€ neuf et 20-35 000€ d’occasion), une récolte mécanique (coût : entre 0,29 et 0,60 €/kg) permettrait d’obtenir un chiffre d’affaire de 0.45€/kg– Investissement minimum dans une installation = 50 000€ + foncier + frais de fonctionnement (a priori < 0,1 €/kg) – Rentabilité a priori négative avec une récolte manuelle même peu coûteuse si le prix de vente de pignons noirs est < à 5,5 €/kg – Rentabilité pouvant atteindre 0,31 €/kg de pigne avec une récolte mécanique peu onéreuse, un coût de sous-traitance faible, et les valeurs de transport plutôt surévaluées présentées ci-dessus

1 Espagne 2014
2 Pour un A&R Var – Catalogne

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