Le gemmage est un métier ancestral qui consiste à récolter la résine d’un pin. Le terme est surtout associé dans l’esprit collectif aux Landes et à ses forêts de pins maritimes, cependant, la Provence a également eu son âge d’or, avec des usines, valorisant la résine, installées à Hyères, à Septèmes-les-Vallons (la médiathèque est à la place de l’ancienne usine, voir l’extrait ci-dessous du magazine de Septèmes), à Marseille, etc.
Claude Gourau est un ancien gemmeur gascon, il a écrit le livre « Le gemmage en forêt provençale » aux éditions les Régionalismes, il disait notamment « c’est par une bonne connaissance du passé que l’on peut envisager l’avenir », et ce fut le sens de son engagement, au travers de l’écriture mais aussi en tant qu’inventeur, en mettant en place le gemmage en vase clos, ce qui a permis de relancer le gemmage en France.
Focus sur les étapes du gemmage en vase clos qu’il a mis en place et sur lequel nous nous sommes appuyé pour permettre sa relance dans nos forêts :
✅ on pratique une pique circulaire à l’aide d’une perceuse électroportative (grâce à la société Holiste qui développe tout le process, dont la fraise), ici Jessica Jarjaye à la manœuvre. On doit s’arrêter à l’écorce sans s’attaquer au tissu.
✅ on applique un activateur (neutre ou acide), permettant d’augmenter le rendement en résine tout en maintenant le collecteur puisque cela fait ventouse (en empêchant l’air de passer, la résine reste liquide) et en faisant barrière à insectes et champignons.
✅ on appose le collecteur à laquelle on fixe une poche hermétique permettant de guider la résine dans un réservoir étanche, dans ce cas, une poche en plastique en notant l’arbre et la date du premier passage. Grâce à cela, nous n’aurons pas de pollutions ni d’impuretés. Un autre passage sera effectué 3 semaines plus tard. Ce procédé préserve la résine des impuretés (insectes, débris végétaux, eau de pluie, …) et limite l’évaporation de l’essence de térébenthine.
Forêt Modèle de Provence, avec le soutien de la Métropole Aix-Marseille-Provence, de la Région SUD Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Département du Var porte ainsi un projet de relance de la pratique du gemmage dans notre région en soutenant la gemmeuse et porteuse de projet Jessica Jarjaye. Nous lui avons posé quelques questions.
Jessica, qu’est-ce qui t’as amené au gemmage ?
Je travaillais au Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales, et j’étais en contact avec Samuel Aubert, qui voulait relancer le gemmage mais qui ne travaillait pas sur le pin d’Alep parce que dans les Hautes-Alpes, là où il est, il n’y a pas de pin d’Alep. Et comme le Parc des Baronnies est sur les 2 départements : Hautes-Alpes et Drôme, je lui ai proposé de venir gemmer sur une parcelle de pin d’Alep dans la Drôme, ça c’est fait comme ça. La parcelle était chez moi, ça m’a beaucoup plu l’idée du gemmage car je voulais travailler sur les co-produits forestiers, car les coupes de bois rapportent peu. Si le gemmage fonctionne, il y a donc moyen de faire une double récolte, et d’intéresser un peu plus les gens à la gestion forestière. Du fait de la déprise agricole, il y a eu un éloignement, il n’y a plus d’intérêt, le pin d’Alep est mal vu, car ils voient les terres cultivées anciennement par leur famille envahie par ce pin, et cela créé un rejet pour cet arbre pourtant très intéressant. Donc trouver une activité que les gens peuvent faire, plus humain, entre la cueillette et récolte, cela permettrait de conserver le côté forestier tout en ayant un aspect récolte se rapprochant de l’agricole dans sa dimension symbolique.
Qu’est-ce que permet le projet de Forêt Modèle de Provence, permis par ses financeurs ?
Cela permet que l’on continue de parler du gemmage du Pin d’Alep cette année, clairement, sans cela, j’aurais arrêté alors que je l’ai fait depuis 3 ans, essayer de commercialiser, de prendre contact avec plusieurs distilleries et acheteurs, sans trop de succès, toute seule, ils ne me prennent pas au sérieux. Egalement, le contexte n’aide pas, au moment du COVID, ils ont eu beaucoup de demandes fantasques et désormais, ils temporisent. Le financement permet donc d’avoir du gemmage, que l’on en reparle, et de relancer une dynamique, de se projeter vers un dossier de recherche grâce à Forêt Modèle avec une vraie analyse en laboratoire, c’est porteur d’espoir, cela crédibilise ma démarche.
Quels protocoles mis en place?
J’ai commencé à Mimet dans les Bouches-du-Rhône le jour du démarrage de l’incendie de Marseille. L’idée est de gemmer 10 arbres à minima, permettant d’avoir des gros, des moyens et des petits pour permettre de faire une moyenne de rendement en fonction de la localisation, des données pédoclimatiques, de son histoire (date du dernier incendie, etc) et de pousser l’extrapolation, d’affiner avec l’analyse en laboratoire, la température est également prise en compte. Il y a eu Cornillon-Confoux également, une propriété qui a déjà connu le gemmage par le passé, je pense que la qualité de la résine sera au rendez-vous. D’autres communes peuvent également être incluses, notamment Septèmes-les-Vallons et Allauch. Concernant le Var, ce sera 2 propriétés forestières, une derrière Toulon et l’autre à Carnoules dans le Massif des Maures, avec des pins les pieds dans l’eau (voir photo ci-dessous).
Le projet continuera en 2026 via des analyses en laboratoire et de nouvelles récoltes, pour, nous l’espérons, une relance durable de la pratique du gemmage dans notre Région et de nouveaux usages de la résine.
Nicolas Plazanet